Une cantine 100 % bio sans surcoût

Contexte

Mouans-Sartoux est une ville de 10 000 habitants située sur la Côte d’Azur. En 1998 les élus ont pris conscience du lien entre la nourriture, la santé et l’environnement. Suite à l’épisode de la vache folle, du bœuf biologique a été introduit en restauration scolaire. Les élus se sont ensuite engagés dans un projet de restauration scolaire respectueuse de la santé et de l’environnement qui est devenu depuis une politique alimentaire territoriale. Les quantités de fruits, légumes et céréales complètes dans les menus de la restauration scolaire ont alors augmenté, tout comme la part d’alimentation biologique cuisinée.

En 2005, la ville de Mouans-Sartoux devient ville active du Plan National Nutrition Santé (PNNS) et revisite l’ensemble de ses menus à la lumière de ces recommandations nutritionnelles : moins de sel, sucre, graisses et des céréales moins raffinées. En 2008, la commune décide de s’orienter vers une cantine 100% bio à base de produits bruts, de saison et cuisinés maison, ce qui devient effectif au 1er janvier 2012. Ce passage est réalisé sans surcoût et l’équilibre économique est maintenu grâce notamment à une lutte efficace contre le gaspillage alimentaire.

Cependant, la région de Mouans-Sartoux étant caractérisée par une forte pression foncière et une importante expansion urbaine, la production locale est peu importante par rapport à la demande. Devant le manque d’offre bio locale une régie municipale agricole a été créée en 2010 et 3 agriculteurs sont aujourd’hui salariés de la ville afin de produire des légumes biologiques pour les cantines. Parallèlement, le Plan Local d’Urbanisme rattaché à l’Agenda 21 de la ville fut modifié en 2012 afin de tripler les surfaces agricoles de la commune, passant alors de 40 à 112 Ha, et développer l’offre locale.

La ville a souhaité se saisir d’une compétence non obligatoire pour les communes: l’alimentation et la relocalisation de sa production.

Les cantines ont été un élément déclencheur pour mener une réflexion globale sur une politique territoriale alimentaire durable. A travers la Maison d’Éducation à l’Alimentation Durable (MEAD) créée en 2016, la ville poursuit son travail sur les systèmes agricoles et alimentaires locaux ainsi que sur l’éducation, la communication et le partage d’expérience. Préserver les terres, aider à l’installation d’agriculteurs bio, construire des systèmes de distribution et de transformation locaux, sensibiliser les habitants aux impacts qu’à leur alimentation sur leur santé et l’environnement, permettre à chacun d’avoir accès à une alimentation durable, transmettre les outils et les clés de sa réussite, sont des enjeux que la commune tient à traiter à travers ce projet.

Les citoyens s’approprient le projet et mènent chacun à leur niveau des actions en ce sens. Ainsi l’Observatoire de la restauration durable de Mouans-Sartoux créé en 2012 a mesuré les évolutions des comportements alimentaires. Les résultats révèlent des habitudes alimentaires de plus en plus saines et durables: en 2019, 87% des parents ayant répondu ont modifié leurs pratiques alimentaires vers une alimentation plus équilibrée, plus locale, bio, saine et ayant un meilleur impact sur leur environnement.

Cette réussite et l'intérêt qu'elle a suscité à tous niveaux mènent à nous rapprocher d'universitaires pour nous inspirer, documenter et essaimer notre projet. Ouverte sur l’extérieur, la ville souhaite diffuser son expérience pour faire émerger des projets alimentaires durables dans d’autres régions et à travers le monde.

Description/objectifs

  • Proposer des repas 100 % biologiques et majoritairement d’origine locale : Pourquoi manger 100 % bio ? La réponse est simple. Parce que manger uniquement 20 % de bio d’un côté et prendre le risque d’ingérer des résidus de pesticides de l’autre n’est pas compatible. Et surtout pour trois raisons fondamentales, validées aujourd’hui par la recherche scientifique : l’alimentation durable permet de limiter le réchauffement climatique, bonne pour la santé des convives et bonne pour l’environnement et la préservation de la biodiversité.
    Le passage au 100 % bio dans les cantines s’est fait sans surcoût grâce à une réduction drastique du gaspillage alimentaire (voir ci-dessous), mais également à la réduction de la part de viande distribuée dans les repas (i.e. distribution de deux repas végétariens par semaine), la formation du personnel en cuisine à de nouvelles recettes et pratiques ou encore les commandes à flux tendus pour éviter le surstock et le dépassement des dates de péremption.

  • Réduction du gaspillage alimentaire : Le gaspillage alimentaire dans les cantines scolaires de la ville a été réduit de 80 %, passant de 147g (soit en moyenne environ un tiers d’un repas) à 32 g par assiette. Des actions efficaces sans investissement supplémentaire ont été mises en place à Mouans-Sartoux : pesée quotidienne par plat des déchets alimentaires, portions selon la faim du convive (petite faim, grande faim), sensibilisation des enfants, cuisine à la demande…

  • Assurer la soutenabilité de la commande publique pour la restauration collective en soutenant les producteurs bio-locaux, les produits du commerce équitable, tout en assurant une maîtrise des coûts. Les marchés publics ont été allotis afin de permettre à des producteurs d’y répondre et les critères d’attribution et de sélection ont été revus pour favoriser la qualité des aliments. Sur 100 points, 40 points sont attribués à la qualité alimentaire, 30 points au respect de l’environnement et 30 points au prix.

  • Rendre accessible à tous une alimentation saine et de qualité en mettant en place une tarification calculée par un taux d’effort sur quotient familial (avec un plancher à 2 € et un plafond à 6,75 €).

  • Création de la régie agricole : une des actions phares du projet contribuant au caractère innovant de la restauration durable à Mouans-Sartoux est la mise en place d’une ferme municipale en 2010. Face au manque de disponibilité de produits frais biologiques locaux, la commune a décidé de produire elle-même ses légumes. La ferme municipale de Haute-Combe emploie 3 agriculteurs municipaux qui exploitent 4 hectares de ce terrain de 6 hectares certifié bio qui fournit 85 % des légumes consommés dans les cantines (environ 25 tonnes produits chaque année).

Résultats attendus ou observés

  • Depuis 2012, 100 % de produits biologiques servis à la cantine, dans les crèches et au restaurant du personnel municipal (soit 1 300 repas/jour)

  • Label ECOCERT « en Cuisine » mention excellence : la restauration scolaire de Mouans-Sartoux est labellisée « En Cuisine » mention excellence pour la préparation de repas 100 % biologiques. Le niveau excellence distingue les établissements qui introduisent plus de 80 % de bio. En France, moins de 10 établissements ont obtenu le niveau excellence sur les 1700 engagés dans cette démarche.

  • 85 % des légumes servis à la cantine proviennent de la régie agricole. Des emplois ont également été créés puisque 3 agriculteurs travaillent sur le domaine de Haute-Combe. Une unité de surgélation a également été mise en place pour conserver les légumes du pic de production estivale pour diversifier l’offre dans les cantines en hiver. 2,5 tonnes ont été congelé en 2018.

  • La lutte contre le gaspillage a engendré, en cinq ans, une baisse de 80 % du volume des déchets, passant de 147 g à environ 32 g par assiette. Cette évolution a généré une économie de 20 centimes par repas, réinvestis dans le bio et la qualité, compensant ainsi le surcoût des produits

  • 87 % des parents ont modifié leurs pratiques alimentaires suite aux actions menées par la commune autour de l’alimentation. 6 familles sur 10 déclarent manger souvent bio et 13 % manger du 100 % bio (source : Observatoire de la restauration durable- enquête 2019)

  • Le marché alimentaire est passé de 7 à 17 lots et les critères de sélection et d’attribution des marchés reposent sur le prix (30%), la qualité (40%), la performance environnementale (30%) ;

  • Diffusion du projet alimentaire à l’échelle locale : la commune a accompagné le collège La Chenaie de Mouans-Sartoux dans le passage aux 100 % bio courant 2019-2020. Les enfants et les parents ont également été les ambassadeurs de la restauration durable.

 

Facteurs de réussite

Forces :

  • Politique de la ville : continuité politique, fort engagement des élus, politique en faveur de l'environnement, santé, agriculture biologique et alimentation durable.
  • Projet de restauration scolaire progressif et éprouvé de longue date (recul sur près de 20 ans) : passage réussi au 100% bio sans surcoût grâce à 80% de réduction du gaspillage alimentaire ; 1 cuisine par école, repas cuisinés sur place à partir de produits bio, bruts, de saison, frais, non industrialisés ; chefs cuisiniers formés et qualifiés.
  • Mise en place d'une Régie agricole municipale certifiée Bio produisant 85% des légumes pour les cantines (3km de la cantine la plus éloignée).
  • Maison d’Éducation à l'Alimentation Durable : structure municipale pilotant le Projet alimentaire territorial durable (démarche labellisé ‘Projet Alimentaire Territorial’ en 2016) qui mène, grâce à une véritable dynamique territoriale créée autour des cantines scolaires, des actions d’éducation, de soutien à l’installation de producteurs bio sur le territoire de la ville, des projets de recherche-action et d’essaimage auprès d’autres collectivités en France et à l’étranger,
  • Information du public sur les nouvelles actions menées (repas végétariens, actions de lutte contre le gaspillage alimentaire…) pour une meilleure acceptation et pour faciliter le un changement des habitudes alimentaires des familles et citoyens. Chaque mois, des idées recettes sont partagées pour apprendre à cuisiner des produits bruts et de saison.
  • Implication des équipes de techniciens : les équipes sont impliqués au cœur du projet et en discussion permanente. Des formations régulières sont organisées.
  • Suivi et évolution du projet : des comités de pilotage (Observatoire de la restauration durable, MEAD, Territoire de Commerce Equitable) sont mis en place avec les membres externes comme les partenaires et les experts. Cela permet de nourrir le projet grâce à leur connaissance précieuse tout orientant la prise de décision pour le développement de projet.
  • Actions d’éducation : service de restauration géré par le service enfance de la ville, qui intègre aussi le service animation (accompagnement des enfants sur le temps du repas, activités périscolaires sur ces thématiques, mutualisation des outils, animateurs spécialisés alimentation durable…) et la MEAD, créant ainsi une synergie entre les projets
  • Essaimage :
    • Les réseaux d'échanges (Club des territoires Un plus bio Français et Européen) permettent de partager les bonnes pratiques entre collectivités et de trouver les bons outils pour développer des projets autour des cantines bio.
    • La ville de Mouans-Sartoux est aussi chef de file d'un projet européen URBACT BioCanteens qui a permis de développer une méthodologie de transfert de mise en place de projets de cantines durables avec des villes partenaires applicables à différentes échelles de villes. Cette méthodologie est également appliquée dans le réseau de transfert français ‘Cantines Durables-Territoires Engagés’.
    • Le Diplôme Universitaire Chef de projet alimentation durable (option collectivités) créé par Mouans-Sartoux, l’association Un Plus Bio et l'Université Côte d'Azur est également un outil permettant de diagnostiquer son territoire avant de réaliser un projet alimentaire durable ajusté.

Opportunités :

  • Soutien et adhésion des parents au projet de restauration scolaire durable
  • Fort engagement de la population (incroyables comestibles, compostage de quartier,…), soutien à la politique de la ville
  • Collaboration étroite avec l'association Un plus bio, via un accompagnement à l'animation territoriale et son expertise et des formations dispensées sur le sujet de l'alimentation durable
  • Labellisation Projet alimentaire territorial (MEAD) par le Ministère de l’Agriculture (reconnaissance nationale) en 2017 ;
  • Très forte couverture médiatique du projet (revue de presse de plus de 200articles/reportages/interviews en 2018)
  • Forte demande en produits bio et locaux sur le territoire (enquête 2018), manque d'offre (opportunité d'installation d'agriculteurs)
  • Labellisation européenne URBACT Good Practice en 2017 : reconnaissance du projet à travers l'Europe et financement d'une partie du partage d'expérience
  • Financements/subventions permettant le projet MEAD : animation territoriale autour des thématiques alimentation durable, moyens de communication sur le projet de Mouans-Sartoux, actions pédagogiques
  • Partenariats solides avec la recherche et le monde associatif du secteur de la santé, de l’alimentation durable et de l’agriculture biologique

Rattachement du projet à un plan/programme

Projet Alimentaire Territorial 2017 (PAT), Agenda 21, PLU 2012, PRSE 2015-2021, Projet Educatif Local (PEL)
Partage d'expérience
Populations "cibles"

Bien que les premiers bénéficiaires des cantines 100 % bio soit les 950 élèves demi-pensionnaires et les 300 agents territoriaux et fonctionnaires de la ville, le projet alimentaire bénéficie également aux parents d’élèves et plus largement aux citoyens mouansois. En effet, tel qu’indiqué ci-dessus, la restauration collective impacte positivement les habitudes alimentaires des familles.

Dispositif d'évaluation de l'action ou projet
Oui
Temps de mise en oeuvre
plus d'un an
Modalités et le cas échéant, les résultats de l'évaluation de l'action

Label : PRSE 2015-2021 et cantines labellisées "En cuisine" niveau 3 mention excellence.

Dans le cadre de l’observatoire de la restauration durable, une enquête réalisée en 2019 auprès des parents d’élèves a permis de montrer l’impact des actions de la ville sur les habitudes alimentaires des familles. Elle permet aussi de voir les évolutions par rapport aux enquêtes similaires menées en 2013 et 2016. Cette enquête envoyée en ligne auprès de plus de 700 familles a permis d’avoir le retour de 227 foyers, soit un taux de participation d’environ 32 %, soit 7 points de plus que celle de 2016.

L’étude a montré que 87 % des parents interrogés disent avoir modifié leurs pratiques alimentaires. De même, les enfants apprécient à 97 % la restauration scolaire de Mouans-Sartoux, notamment car c’est « bon, bio et varié » (3 réponses les plus citées par les enfants).

Les actions de la commune sont bien connues puisque 93 % des parents savent que les cantines cuisinent des produits frais et bruts sur place, 84 % savent que des opérations de sensibilisation contre le gaspillage sont organisées et 83 % connaissent le travail des équipes d’animation pour encourager les enfants à goûter les plats. Cependant, seulement 41 % des parents connaissent la MEAD alors que 51 % des répondants ont entendu parler du Défi familles à alimentation positive géré par la même structure.

De plus, les modes de consommation évoluent avec 61 % des familles intégrant des produits biologiques dans leur alimentation dont 13 % de façon systématique. 54% des foyers prêtent attention au gaspillage alimentaire de façon systématique et 52 % des répondants se rendent au moins une fois par mois chez des producteurs locaux grâce aux actions menées par la commune.

Montage
Gouvernance

La restauration scolaire est placée sous la responsabilité du Service Enfance et Jeunesse de Mouans-Sartoux auquel appartiennent le service alimentation durable et la Maison d’Éducation à l’Alimentation Durable. Le projet de régie agricole a d’ailleurs été déposé par le Service Enfance.

La politique alimentaire de la ville résulte d’un dialogue permanent entre les élus, les équipes d’animation, de cuisine et du service Enfance Jeunesse. Les acteurs locaux sont également sollicités et impliqués (enfants, parents, élus, universitaires, associations. Un conseil de la Ville des enfants permet d’impliquer les jeunes dans la vie municipale.

Des universitaires (Université Cote d’Azur, Sorbonne, Nantes, Pau-Bayonne, INRA Avignon, Kassel…) et leurs étudiants sont associés à l’évaluation et au développement du projet. Chaque année une soixantaine de collectivités françaises et étrangères viennent sur place s’inspirer du projet.

La Maison d’Education à l’Alimentation Durable, structure porteuse du projet alimentaire territorial (PAT), est animée par une équipe de 4 à 7 personnes, salariées de la commune, selon les périodes à laquelle est associée l’élu référent à l’Education. Elle est rattachée au Service Enfance et Jeunesse de Mouans-Sartoux.

Le comité de pilotage de la MEAD associe élus, techniciens, chercheurs, associations (Un plus Bio, CRES PACA et CODES 06), partenaires institutionnels, citoyens et acteurs de terrains. Les actions de la MEAD s’adressent à l’ensemble de la population (enfants et jeunes, familles, personnes âgées, bénéficiaires épicerie sociale…), aux entreprises, commerçants et agriculteurs.

Partenaires associatifs
Un plus Bio, Agribio 06, CRES PACA et CODES 06
Partenaire(s) public(s)
Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Université Cote d’Azur, Sorbonne, Nantes, Pau-Bayonne, INRA Avignon, Kassel
Opérateur
Service Enfance et Jeunesse, équipe d’animation et de cuisine.